17 février 2024

HOTEL MAMOUR : MOTS DE PASSE








La compagnie mulhousienne Kalisto vient d'égarer des centaines d'amants ou cœurs à prendre dans Hôtel Mamour, sa fiction théâtrale immersive créée en 2019 à Motoco. Suivez-moi.


 Je m'étais aventuré dans cet improbable établissement il y a quatre ans exactement, au Séchoir. Il fallait alors avoir un passeport à présenter systématiquement pour avancer dans une histoire sans fil conducteur, partageant des bribes de vie de personnages déjantés ou en perdition. C'était juste avant la Covid. Mamour a connu lui aussi les restrictions sanitaires, mais a refait surface à Strasbourg à l'hôtel Graffalgar, une adresse novatrice du quartier gare. Et enfin cette année, le retour au berceau, dans un nouvel endroit, la Maison Hôtel Mulhouse Centre, Cour des Maréchaux. 

Je fais partie des premiers visiteurs. On me prie de monter au 3e. Mme Claude, Clauddy pour les habitués, accueille ses "clients". C'est la tenancière de l'Hôtel Mamour, un établissement dédié à l'amour. J'ai de nouveau opté pour le pass, de façon à entrer dans les chambres et de partager un (trop) court moment en tête à tête avec leurs occupants respectifs. S'agissant d'un propos théâtral, je vais me retrouver face à un(e) comédien(ne) qui m'emmènera dans son intrigue, cinq minutes bien comptées, la minuterie stoppant le jeu. A ce stade, je ne sais pas vraiment comment donner la réplique à mon hôte, restant moi-même ou improvisant un interlocuteur en rapport avec la scène. Nous formons un petit groupe de candidats au démarrage. Un ou des couples, un confrère, des inconnus, identifiables par un pseudonyme tracé sur une étiquette. J'ai pris celui que m'attribue ma collègue Didine. En une heure, nous aurons parcouru les dix chambres de l'étage et fait des rencontres singulières.

Particularité du jeu, car c'en est un, il est possible d'être "voyeur". Des personnes encagoulées sont introduites ça et là dans les chambres, témoins passifs et cachés de nos scènes. 

Je suis versé d'entrée dans un scénario inapproprié. Mamour fait travailler une lycéenne de 16 ans. L'argent est sa motivation. Son âge revendiqué ma démission. A l'heure des scandales qui éclaboussent les prédateurs des plateaux, voilà une "gamine" dont la fougue remue le huis clos. En fin de parcours, je verrai Bella, qui semble héberger un cochon dans sa salle de bain. Effectivement, c'est une Circé d'aujourd'hui, qui affirme transformer les hommes en porcs à la manière de la magicienne grecque, du moins ceux qui ont des choses à se reprocher… Certaines rencontres sont plus délicieuses. Chez Charlotte, je dois porter un casque et écouter. La jeune femme est présente mais parle sur un enregistrement. Là j'ai vraiment l'impression d'être au théâtre, à l'opéra sûrement. Et puis il y a Illina, la plus élégante de toutes, dans le verbe et l'habit, qui me fait part de son déclin professionnel. A son âge, elle ne serait plus bankable. Certaines chambres sont occupées par des hommes. La parité est respectée à Mamour. Le fils à maman, le psychanalyste bordélique, le sosie de Francis Perrin jeune qui s'apprête au mariage, le cerf-voliste enquêteur sur sextoys et la copie d'Alain Bashung avec qui je chante "Vertige de l'amour"... Enfin, un saut plus loin dans le passé dans l'univers de Sleeping Beauty, qui s'était endormie en 1974 et qui rêve d'un prince. Le tour de cadran terminé, je retrouve mes visiteurs d'un soir, qui pourront prolonger leur séjour à table et dans les activités. Avec Albertina, nous sommes  ainsi une dizaine dans une pièce où cette femme qui a du chien nous initie au Puppy Spirit, une méthode que cette Piémontaise (dans le texte) enseigne. Comment adopter des comportements canins. Désolé Madame Ruggino, j'ai toujours été félin. Je mets fin à mon parcours théâtral après cette séquence car le temps passe. Je ne connaîtrai ni le bar clandestin de ce drôle d'hôtel, ni l'agence de rencontre ; du reste, mon cœur est durablement occupé. 





Voir aussi 

Les histoires de Mamour finissent mal sur ce blog, février 2020

  

12 février 2024

NE L'APPELEZ PLUS HERRA N OWA

 


Une représentation du Dàme n Owa, la version féminine du Herra n Owa, 2019. 



Au moment de poser ces lignes, je ne peux m'empêcher de penser à Tony, Freddy, Seppala et toutes ces figures ayant brûlé les planches du Théâtre Lucien-Dreyfus, qui voisine avec le théâtre municipal de Mulhouse, uf d'r Senna. Ils ne reviendront plus, ces grands soirs de revue qu'on appelait le Herra n Owa, cette institution centenaire typiquement mulhousienne. J'ai dû voir le dernier en 2019, avant la meurtrière année de la Covid-19. Depuis la crise sanitaire, rien ne sera plus comme avant rue de la Sinne. L'enseigne carrée aura beau mettre en lumière l'appellation et la roue de Mulhouse, le Herra n Owa n'existe plus, quand bien même les saltimbanques du TAM maintiennent ce nom. Tony, dont le sourire s'affiche en fresque sur un mur doit s'être retourné dans sa tombe et pas que lui,  en apprenant que la revue carnavalesque s'était féminisée. Non seulement la troupe s'est ouverte aux femmes, mais le public aussi s'est élargi au beau sexe. Jamais sûrement un tel virage n'aurait été pris naguère. Certes, le Théâtre alsacien de Mulhouse s'est vidé de ses comédiens, mais de là à en faire un cabaret comme il en existe ailleurs... Comme il serait impensable de donner le BIbbala Frittig du carnaval en présence d'hommes... En mars 2023, année de la reprise post-Covid, Evelyne Troxler, fille de Tony, manifestait dans la presse son mécontentement. "De grâce, ne l'appelez pas Herra n Owa, ce n'en est pas un".  Je partage son avis. Sàget ender "Milhüser Owe", la soirée mulhousienne. Même si le chef d'orchestre est sundgauvien.  A Wàggis bi da Wàckes.